La restitution des œuvres culturelles pillées par la France lors de la colonisation est effective. Vingt-six (26) œuvres des trésors royaux d’Abomey gardées en France depuis 1892, ont été réceptionnées le mercredi 10 novembre 2021, au Palais de la Marina à Cotonou. Cest le premier épisode dune longue série de restitution des biens patrimoniaux aux pays africains à qui le Bénin vient de montrer le chemin.

Que d’émotions à la cérémonie officielle de réception de ces œuvres. C’est un moment de fierté nationale pour les Béninois de tous âges et de toutes les origines notamment, les familles royales qui nont pas voulu se faire compter cet évènement historique.
Après la signature de laccord de transfert de la propriété des œuvres au Bénin qui sest tenue le 09 novembre dernier au Palais de l’Elysée, en présence des présidents béninois Patrice Talon et français Emmanuel Macron, les 26 œuvres pillées au Bénin puis offertes par le Général Alfred Dodds au musée du Quai Branly Jacques Chirac ont été convoyées au Bénin le 10 novembre 2021 par vol Boeing 737 alors quil sonnait 15h, heure de Cotonou. Un vol spécialement affrété par le gouvernement béninois qui sest immobilisé sur le tarmac de l’aéroport de Cotonou à la grande satisfaction dautorités, du personnel de manutention et du peuple béninois tout entier.

Les premières caisses contenant les œuvres se font visibles en présence du ministre béninois des Affaires étrangères et de la Coopération, Aurélien Agbénonci et de son homologue en charge de la Culture, Jean-Michel Abimbola. Les opérations de manutention vont durer un peu plus dune heure sous le regard avisé d’experts commis à la tâche par le gouvernement. Pendant ce temps, le Ministre en charge des affaires étrangères se prête aux questions des professionnels des médias.
Aurélien Agbénonchi, très ému, soutient que c’est un moment important de notre histoire. « Il y a de lémotion, le sentiment d’un travail bien accompli, le résultat d’un processus conduit avec tact, dextérité, une diplomatie fine et une sensibilité à la chose culturelle », a laissé entendre le Ministre Agbenonci avant de rendre hommage aux acteurs principaux de ce processus que sont les présidents Patrice Talon et Emmanuel Macron. « Il y a des instants qui changent le cours des choses dans l’histoire d’une nation et cet instant que nous vivons, restera gravé parce que plus dun siècle après la soustraction de ces biens, ils reviennent avec des symboliques très fortes », conclut-il. Jean-Michel Abimbola, pour sa part, nest pas étonné de lengouement autour de ce patrimoine aujourdhui commun à l’humanité. « Nous entrons aujourdhui dans une nouvelle époque. Une nouvelle page de lhistoire de la coopération entre la France et le Bénin et le départ dune politique patrimoniale et culturelle. Les œuvres sont ici aujourdhui et cest une renaissance culturelle pour le Bénin. Ce que nous vivons sans nous en rendre compte, ce sont des moments historiques ».

Émouvants hommages au Palais de la Marina
De l’aéroport international Cardinal Bernadin Gantin jusqu’à la Présidence de la République, le convoi exceptionnel transportant les œuvres a fait le chemin avec une grande liesse populaire qui exprimait son émotion et sa joie en ce moment par les danses traditionnelles de notre pays.

A la présidence de la République, les 26 trésors royaux du Bénin ont été accueillis dans une liesse populaire à travers une cérémonie d’hommage qui s’est déroulée dans les jardins de la présidence, en présence du chef de l’Etat, Patrice Talon. Quelque deux cents personnalités y ont été conviées. Présidents d’institutions de la République, membres du Gouvernement, députés à l’Assemblée nationale, rois et familles royales, acteurs politiques de tous bords, et en invités spéciaux les deux universitaires Bénédicte Savoy et Felwine Sarr, à qui Emmanuel Macron avait confié les opérations de vastes consultations ayant abouti au rapport sur des possibilités de restitution d’œuvres aux anciennes colonies. C’est donc devant ce parterre de personnalités que le rituel d’accueil républicain des œuvres a été exécuté avec des coups de canon. La caisse contenant le trône du roi Ghézo, le plus emblématique des trésors, a été sortie du camion pour une exposition. Moment de recueillement et de vives émotions ponctuées d’honneurs militaires avec l’exécution de l’hymne national. Puis place à la fête de fierté nationale avec l’exécution des danses royales : le conservatoire des danses royales d’Abomey, le ballet national et une troupe d’enfants ont, tout à tour, sous le regard admiratif du président de la République, présenté un tableau de Houngan, de Tèkè, Adjogan puis l’hymne national en langue locale Fongbé.

Avant le retrait du trône des lieux, le Ministre en charge de la Culture, Jean-Michel Abimbola a indiqué, dans une brève intervention que c’est « un jour de gloire pour la culture béninoise, un jour de liesse pour le peuple béninois ». Son souhait, c’est de voir ces œuvres patrimoniales dialoguer avec des œuvres contemporaines. Mais avant, a annoncé le ministre, ces trésors, pour des raisons d’acclimatation, passeront deux mois dans leurs caisses avant d’être exposés pour une période de 3 mois, dans les locaux de la présidence. Ils seront par la suite transportés au Fort Portugais à Ouidah pour trois ans d’exposition dans la maison du Gouverneur. Cela, le temps de finaliser et de rendre opérationnel le musée de l’épopée des Amazones et des rois du Danhomè à Abomey.

Et puis un autre moment de frissons pour l’assistance : l’adresse du président Patrice Talon. Le chef de l’Etat a exposé le symbole qui doit entourer ces trésors royaux. Il les présente comme des biens appartenant à la nation toute entière et exclut toute appropriation de courants religieux. « Chacun sera libre d’établir avec ces objets le lien qui lui plaira. Ces œuvres ne revêtent aucun caractère religieux pour la République », indique-t-il. Ces trésors constituent, d’après les propos du Chef de l’État, « une synthèse harmonieuse de ce que nous avons été et de ce que nous sommes ». Il a invité chaque Béninois à y trouver une fierté nationale. Pour ce qui est des autres biens du pays non encore restitués, il reste optimiste qu’ils seront restitués, comptant sur la dynamique de coopération dans laquelle les deux pays sont engagés. Cette journée historique s’est achevée mais déjà la suite pour un Bénin définitivement révélé est plus que jamais dans les esprits.

Patrice Talon, Président de la République et son émouvant discours du 10 novembre…
« C’est envahi par une forte émotion qu’entouré des personnalités de notre pays, j’ai accueilli le mercredi 10 novembre 2021 au palais de la marina, les 26 œuvres des trésors royaux restitués par la France après plus de 129 ans de détention.
Cette restitution a été possible grâce à l’ouverture du peuple français et de son premier citoyen le Président MACRON qui entre ainsi dans l’histoire.
Je voudrais ici rappeler à notre conscience que ces trésors royaux ne revêtent aux yeux de notre République laïque, une et indivisible, aucun caractère religieux ou spirituel.
Afin d’assurer leur bonne acclimatation, nos trésors royaux seront convenablement conservés sur deux mois au palais de la marina. Au premier trimestre de l’année prochaine, une exposition présentant aussi bien nos 26 trésors royaux que d’autres œuvres contemporaines sera organisée dans l’enceinte de la Présidence du Bénin et accessible durant trois mois à tous dans les conditions qui seront précisées le moment venu. Ensuite les œuvres seront exposées au Fort portugais de Ouidah avant de rejoindre leur destination finale, le musée de l’épopée des Amazones et des Rois du Danhomè à Abomey, qui sera une réalité dans 3 ans.

J’ai vu avec bonheur, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, uni dans un même esprit, tous les Béninois célébrer dans nos 77 communes, le retour des trésors royaux.
Cette ferveur nationale montre combien notre nation se bâtit dans l’harmonie et avec l’engagement de chacun d’entre nous.
C’est ainsi que nous sommes plus forts ensemble et que nous parvenons en engranger des succès remarquables.
Merci à tous les acteurs du Bénin et de la France ayant rendu ceci possible.
Un tout premier épisode ai-je dit à Paris, car j’ai la conviction plus que jamais que d’autres pages glorieuses de notre histoire s’écriront sous nos yeux et grâce à chacun de nous.
Fier d’être béninois ».

Cérémonie organisée pour la restitution de 26 œuvres des trésors royaux d’Abomey à la République du Bénin.

Le Président de la République française Emmanuel Macron s’est rendu au Musée du Quai Branly-Jacques Chirac à l’occasion de la cérémonie organisée pour la restitution de 26 œuvres des trésors royaux d’Abomey à la République du Bénin.

C’est à l’université Ki-Zerbo de Ouagadougou le 28 novembre 2017 que le Président s’est engagé à rendre possible d’ici 5 ans les conditions de restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en France.

Missionnés par le Président, Felwine Sarr et Bénédicte Savoy ont remis leur rapport le 23 novembre 2018, sur la base duquel le Président de la République a décidé la restitution de 26 œuvres, réclamées par les autorités du Bénin, du trésor d’Abomey conservées au Musée du Quai Branly-Jacques Chirac, ainsi que le sabre et le fourreau d’El Hadj Omar Tall, demandé par la République du Sénégal. La loi adoptée par le Parlement le 24 décembre 2020 permet la restitution définitive de ces œuvres d’ici la fin d’année 2021.

Dans la continuité du Nouveau Sommet Afrique-France de Montpellier, cette démarche vise à ce que la jeunesse africaine ait accès en Afrique, et non plus seulement en Europe, à son propre patrimoine. Cet engagement du Président de la République constitue un marqueur important pour la construction de cette nouvelle relation et d’un nouveau regard entre la France et le continent africain.

27 OCTOBRE 2021 – SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI

DISCOURS DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE, Emmanuel MACRON À L’OCCASION DE LA RESTITUTION DE 26 ŒUVRES DES TRÉSORS ROYAUX D’ABOMEY À LA RÉPUBLIQUE DU BÉNIN
Monsieur le Ministre des Affaires étrangères de la République du Bénin,
Monsieur le Ministre du Tourisme, de la Culture et des Arts,
Madame la Ministre de la Culture,
Monsieur le Président, cher Emmanuel,
Mesdames Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames Messieurs les Parlementaires ici présents,
Mesdames Messieurs les universitaires,
Mesdames Messieurs les Présidentes et Présidents, Directrices et Directeurs généraux d’établissements culturels,
Mesdames Messieurs, chers amis.

Je dois dire que c’est assez émouvant d’être collectivement ici. Vous avez tout dit, déjà. Nous sommes là et c’est l’aboutissement d’un travail qui vient de loin, de très loin. Et dans deux semaines, vous l’avez rappelé, je recevrai le président de la République du Bénin, Patrice TALON, à l’Elysée, pour acter formellement le transfert de propriété de ces 26 œuvres, rendu possible par la loi promulguée le 24 décembre de l’année dernière à l’unanimité par les parlementaires français après des discussions tenues par Madame la ministre.

C’est en effet particulièrement émouvant d’être ici avec vous pour cette forme de cérémonie d’adieu diraient certains, de retrouvailles et peut-être le mot préférable, avec ces 26 œuvres des trésors royaux d’Abomey. Ces œuvres, elles étaient attendues depuis longtemps, si longtemps. Et rappelez-vous, lorsque la jeune Fondation ZINSOU avait exposé en 2006 pendant quelques mois certaines de ces œuvres, des œuvres de ces trésors, l’engouement du public à Cotonou, et notamment du jeune public, avait témoigné de cette volonté de la jeunesse béninoise d’avoir à nouveau accès à son patrimoine, c’était une évidence. Il y a ensuite eu la demande formelle de restitution des autorités béninoises formulée par une lettre du 26 août 2016, vous l’avez rappelé Monsieur le ministre, d’abord rejetée au nom de ce fameux principe d’inaliénabilité qui avait d’abord été opposé, et vous avez tenu bon. En novembre 2017, à Ouagadougou, j’ai pris devant les étudiants cet engagement de restituer, convaincu que la France ne pouvait pas rester passive devant le fait que 95% du patrimoine africain se situerait en dehors de l’Afrique. Toute jeunesse a besoin de s’approprier l’histoire de son pays pour mieux bâtir son futur, d’en retrouver aussi la puissance, parfois les mystères. Il n’y avait aucune raison que la jeunesse africaine soit condamnée à ne pas avoir accès à son patrimoine. Cet engagement à rendre possible sous 5 ans les restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain était alors pris.
En mars 2018, en présence du président TALON, j’ai confié à l’historienne Bénédicte SAVOY et au professeur et écrivain Felwine SARR cette mission, cette difficile tâche de commencer à tracer un cadre intellectuel à ces restitutions. Merci à tous les deux de votre engagement formidable, de votre présence encore aujourd’hui et de la fidélité à ce travail, mais surtout de la percée, je crois pouvoir dire que vous avez contribué à conduire, en concertation profonde avec tous vos collègues, pas seulement français, mais européens, africains, internationaux. Votre rapport, remis en novembre 2018, a fait date. Il a dérangé certains, bousculés d’autres, car nous savons tous ici combien le sujet est sensible, combien il est aussi historiquement clivant. Pourtant ce dont il s’agit avec ce rapport et avec les restitutions que nous avons ensuite initiées, ce n’est en aucun cas de créer de nouvelles divisions, mais plutôt d’ouvrir de nouveaux horizons, un horizon d’échanges, de coopération et de partage.

C’est bien dans cet esprit que nous avons conçu avec nos partenaires béninois, que je remercie tout particulièrement, cette restitution ô combien emblématique, Monsieur le ministre. Je veux ici très sincèrement remercier le musée du Quai Branly-Jacques Chirac, son président, Emmanuel KASARHÉROU, votre prédécesseur, le président Stéphane MARTIN, toutes les équipes du musée, merci infiniment, pas simplement pour le cheminement d’aujourd’hui, mais pour le travail exceptionnel que vous avez conduit durant ces dernières années et tout particulièrement ces derniers mois, pour préparer cette restitution, pour préparer aussi cette semaine béninoise en présence de conservateurs du Bénin que je salue tout particulièrement et qui sont l’illustration vivante de cette coopération. La pandémie n’a pas eu raison de votre détermination et de votre engagement, et je vous remercie infiniment pour cela parce que je sais combien les conditions étaient rendues encore plus difficiles. Je tiens également à saluer le travail des parlementaires qui se sont investis avec sérieux, sincérité dans l’examen du projet de loi de restitution au Bénin et au Sénégal ; la qualité de leurs débats a été à la hauteur des enjeux ; l’unanimité de leurs votes a donné une force particulière à sa restitution. Je veux vous remercier, Madame la ministre, d’avoir présidé à ces débats, d’avoir mené au sein du ministère et superviser l’ensemble de ce travail qui fut aussi parfois un combat. C’est un long travail, car il ne s’agit pas simplement de mettre 26 œuvres dans des caisses et de les charger dans un avion, c’est un travail considérable mené par les Béninois au Bénin. Dans l’attente de la construction du futur musée d’Abomey, un travail remarquable a été entrepris au fort de Ouidah pour accueillir les œuvres dans les meilleures conditions, et je sais combien le président TALON y est attaché, je sais d’ailleurs qu’il tient à ce qu’au sein d’abord de la présidence, ces œuvres soient accueillies pour que les Béninoises et les Béninois puissent s’y rendre et en quelque sorte les retrouver.

Un travail donc ambitieux de construction, de formation, d’engagement au Bénin et partenariat ambitieux entre nos deux pays qui couvrent de multiples dimensions. Une coopération scientifique entre professionnels béninois et français, vous l’avez parfaitement décrite, Monsieur le ministre, avec de multiples programmes aussi de formation au Bénin et en France ; deux conservateurs béninois sont ainsi présents, je l’ai évoqué, pendant 4 semaines au Musée du Quai Branly pour suivre tout le processus de restitution. Mais ce sont aussi les nombreux projets au Bénin qui hébergent la prestigieuse École du patrimoine africain, que nous accompagnerons par la mise à disposition d’un expert technique dans les prochains mois. Je veux remercier ici nos ambassadeurs particulièrement engagés dans ce travail de coopération scientifique et culturel, ce sont des bourses pour les étudiants en patrimoine, ce sont des perspectives de résidence croisée avec les initiatives que nous avons lancées lors du Sommet du Montpellier le 8 octobre dernier. Un travail de coopération patrimoniale à Ouidah et à Abomey pour accompagner la politique très ambitieuse du gouvernement béninois en matière de restauration et de valorisation de son patrimoine a aussi été lancée.

Ainsi, l’Agence française de développement accompagne la création d’un nouveau musée à Abomey, qui accueillera à terme les 26 œuvres, ainsi que la restauration des palais royaux du site d’Abomey et les autres projets que vous avez évoqués tout à l’heure, monsieur le ministre, puisque c’est la cohérence d’une politique complète sur le plan culturel, ce projet prévoit également un appui à l’écosystème culturel et artisanal par la mise en place de chantiers école notamment, ainsi que le renforcement des capacités des acteurs du patrimoine béninois. Et enfin, ce sont également des projets dans le domaine de la création artistique, de l’accompagnement à la structuration d’une filière des industries culturelles et créatives au Bénin. Nous l’avons vu encore à Montpellier il y a quelques semaines. La créativité est là, la scène artistique vibrante et les artistes nombreux avec lesquels nous souhaitons que les coopérations se multiplient, les accueillent aussi et je crois que cette restitution n’est qu’au fond, une étape dans ce mouvement inexorable que nous accompagnons de part et d’autre.

Vous le voyez bien, cette restitution, c’est plus qu’une restitution. C’est tout un programme de coopération qui doit permettre de renforcer nos liens, de créer de nouvelles opportunités d’échanges, de rencontres, de projets et qui s’inscrit en parfaite cohérence avec ce que nous souhaitons conduire plus largement. Ainsi, depuis 2017, outre les œuvres qui nous réunissent aujourd’hui, nous avons procédé à la restitution du sabre d’El Hadj Omar Tall, demandée par le Sénégal, rendue également possible par la loi du 24 décembre 2020. Nous avons concédé un prêt de longue durée du dais de la couronne malgache demandé par les autorités de Madagascar. Début octobre de cette année, nous avons souhaité accéder, à la demande des autorités ivoiriennes, de se voir restituer un tambour à haute valeur symbolique. Le fameux tambour parleur qui permettait de faire parvenir des messages avec une portée sonore de plus de 20 kilomètres, disait-on. Et outre le fait qu’il soit constitutif, un art musical, il a joué un rôle majeur dans la résistance même contre la colonisation française.

Cette démarche de restitution nous semble possible, car un important travail scientifique d’expertise, de recherche de provenance a pu être mené pour déterminer les conditions de confiscation de ce tambour, mais elle ne pourra être confirmée que par une loi. Là aussi, il y aura donc bien un débat parlementaire autour de cette possible restitution, aucune inquiétude à avoir sur ce point. Et en la matière, comme vous le voyez encore avec ce tambour, il n’y a pas de fait du prince. Encore moins du président, il y a à chaque fois un travail scientifique, à chaque fois, ce n’est pas une décision diplomatique ou autre, c’est un travail qui est conduit par les meilleurs experts de manière partenariale pour étudier, élaborer les conditions justement de sortie de ces œuvres, de leur territoire, de leur pays d’origine et les conditions d’une restitution possible. Nous poursuivons ainsi ce chemin que nous avons tracé pas à pas.

Par contre, il est vrai que ce qu’il nous faut faire aujourd’hui, c’est définir une loi, en quelque sorte, qui permettra de cadrer dans la durée les choses, non pas pour recréer de nouvelles commissions qui avaient montré par le passé, se déclarant elles-mêmes incompétentes et décidant si peu qu’elles n’étaient sans doute pas le bon cadre. Mais pour établir véritablement une doctrine et des règles précises de restituabilité. Felwine SARR et Bénédicte SAVOY avaient fait des propositions en ce sens. Il nous faut maintenant développer les recherches de provenances, mieux documenter les conditions d’entrée de telle ou telle œuvre dans les collections françaises, croiser plusieurs expertises au cas par cas. Laisser dans les équipes scientifiques, celles des musées, la compétence, mais permettre de bâtir un cadre préétabli et les conditions scientifiques, et si je l’ose dire de confiance. Je sais que le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères et la ministre de la Culture y travaillent depuis plusieurs mois, Jean-Luc MARTINEZ récemment nommé ambassadeur pour la coopération patrimoniale et dont je salue ici la présence va également plus qu’accompagner ces travaux, mais les conduire au quotidien.

Je veux remercier ici toutes et tous et chers présidents et présidentes, je le disais, d’établissements sont avec nous aujourd’hui, je veux les remercier pour leur engagement, leur volonté d’avancer sur le sujet des restitutions comme des coopérations culturelles des projets qui sont justement menées de part et d’autre de la Méditerranée pour conjuguer, tresser nos imaginaires et créations artistiques qu’elles soient contemporaines, modernes ou s’inscrivant dans une histoire plus longue. Mais ce travail, nous devons à chaque fois toujours le mener de manière partagée avec nos partenaires africains. Vous nous avez rappelé l’importance monsieur le président, nous ne pouvons pas décider seuls de ce qui peut être restitué ou partagé et conformément à vos recommandations, à ce qui a été aussi réitéré dans le cadre du rapport remis par le Professeur Achille MBEMBE lors du sommet de Montpellier, ce sont ces approches partenariales que nous devons systématiser. C’est bien dans cet esprit qu’Emmanuel KASARHÉROU a entrepris dès sa nomination et malgré la pandémie de rencontrer ses homologues au Sénégal, au Bénin, au Mali de les inviter à Paris comme récemment pour le directeur du Musée national du Tchad. Ce dialogue de musée à musée, d’institutions à institutions est indispensable avec le continent africain mais vous l’avez rappelé avec le Pacifique, avec l’Amazonie, avec tous les espaces où nos histoires nous ont, en quelque sorte, rendus indétachables et avec lesquelles nous avons des dialogues à conduire, construire des projets communs, construire des expositions communes. Comme par exemple le travail engagé avec le Musée des civilisations noires de Dakar sur la mission Dakar-Djibouti qui est une illustration formidable d’un projet là aussi sur une mission mythique du début des années 30 par lesquelles on a tant écrit par un travail que vous avez engagé et partagé à travers de recherches, d’expositions coconstruites, avec des partenaires africains pour en quelque sorte décentrer notre regard.

Je crois que j‘avais utilisé cette expression dès Ouagadougou pour parvenir à cette conversion des regards, permettre aux Africains de dire leur part du monde et leur regard sur la France, notre création, les conservations etc et permettre au regard français de changer aussi sa propre vision du continent africain. Vous l’aurez compris, tout ce que nous sommes en train de faire et de bâtir ensemble c’est un nouvel espace des possibles en redonnant accès à la jeunesse africaine à une partie de son patrimoine, c’est ça ce que nous faisons.

J’écoutais les débats que nous pouvons avoir parfois chez nous y compris ces derniers jours et qui parfois existent d’ailleurs dans certains pays, le but de tout cela ne serait pas de renationaliser de manière parfaite les patrimoines de chacun, ça serait une folie, ça n’aurait aucun sens. Le but de cette aventure n’est pas en quelque sorte que la France puisse se débarrasser de tout ce qu’elle a des patrimoines des autres, ce serait une vision terrible et en quelque sorte que chaque pays ramène à lui les trésors qui seraient les siens par l’origine de la création, non ! C’est par ce travail scientifique de coopérations de pouvoir restituer des choses indûment sorties, de permettre que chaque pays ait la possibilité en particulier pour sa jeunesse mais pour l’ensemble de ces peuples d’avoir accès à ce qu’il a fait et forgé à la puissance et au ministère de certains objets aux rites qui les accompagnent mais c’est de permettre à chacun de retrouver, je crois, ce à quoi la France, par son histoire, a aussi contribué et qu’elle doit maintenant partager, un rapport à l’universel et à l’universalisme. Non pas à un rétrécissement mais la possibilité offerte que l’universalisme soit accessible partout, c’est cela le combat que nous devons mener. Non pas une renationalisation de nos patrimoines ainsi rétrécis à nouveau mais la possibilité par les restitutions, les coopérations, la circulations des œuvres que demain, des jeunes Béninois, des jeunes Sénégalaises et Sénégalais, des jeunes Maliennes et Maliens, Nigérianes et Nigérians puissent avoir accès à une part de leur art, de ce qui a été créé chez eux, de leur patrimoine mais aux plus belles œuvres du patrimoine européen, américain, par des expositions qui seront aussi produites, pensées, rendues possible par un universalisme rendu accessible. C’est cela l’objectif que nous poursuivons. Et c’est pour ça que nous devons aujourd’hui veiller à ce que ces restitutions s’accompagnent de circulations, de soutien à la création contemporaine, de partenariats, de coopérations.

C’est cet universel que nous devons poursuivre et rendre accessible aussi en Afrique. “Les peuples victimes de ce pillage parfois séculaire n’ont pas seulement été dépouillés de chefs-d’œuvre irremplaçables. Ils ont été dépossédés d’une mémoire qui les aurait sans doute aidé à mieux se connaître eux-mêmes, certainement à mieux se faire comprendre des autres. Ces biens de culture qui sont partis de leur être, les hommes et les femmes de ces pays ont droit de les recouvrir. Ils savent certes que la destination de l’art est universelle, ils sont conscients que cet art qui dit leur histoire, leur vérité ne l’a dit pas qu’à eux ni pour eux seulement et ils se réjouissent que d’autres hommes et d’autres femmes ailleurs puissent étudier, admirer le travail de leurs ancêtres. Ils voient bien que certaines œuvres partagent depuis trop longtemps et trop intimement l’histoire de leur terre d’emprunt pour qu’on puisse nier les symboles qui les y attachent et couper toutes les racines qu’elles y ont prises. Aussi bien ces hommes et ces femmes démunies demandent-ils que leur soient restitués au moins les trésors d’art les plus représentatifs de leur culture, ceux auxquels ils attachent le plus d’importance. Ceux dont l’absence est psychologiquement le plus intolérable. Cette revendication est légitime.”

Ces mots, comme vous l’avez compris, ne sont pas de moi. Ils sont Amadou-Mahtar M’BOW, directeur général de l’Unesco, ces mots datent du 7 juin 1978. Ils disent exactement, exactement, précisément ce que nous sommes en train de faire : ce juste retour, ce respect de l’universel et cette volonté de l’entretenir ensemble. Alors oui, Mesdames et Messieurs, ces œuvres vont revenir. Elles vont retrouver sans doute les femmes et les hommes qui retrouveront, sans un mot, de manière tellurique, le sens des pouvoirs qu’ils n’ont jamais perdus. Elles retrouveront des terres qu’elles avaient quittées depuis si longtemps en y reprenant leur sens. Elles seront fortes aussi de ce voyage et de ces décennies où d’autres mains ici ont appris à les aimer, différemment, à apprendre d’elles et à bâtir d’autres ponts. Ce chemin de retour est une autre voie et pour citer ou reprendre CÉSAIRE, ils sont la démonstration que cette autre rencontre est possible, véritablement, parce que nous la rendons collectivement possible, parce que vous n’avez jamais cessé de vouloir avec force ce retour, et parce que ce retour était juste, ce chemin possible, c’est celui qu’il nous convient de poursuivre. C’est cette juste route, celle reprise dans la bonne direction. Mais elle en ouvre tant d’autres, tant d’autres, choisies celles-ci, assumées, voulues parce que partagées d’égal à égal.

Vive l’amitié entre le Bénin et la France, vive le Bénin et vive la France !

L’essentiel à retenir…
Cet événement est un succès de taille rendu possible grâce à des acteurs ayant à leur tête deux hommes d’État de vision : Patrice TALON pour le Bénin et Emmanuel MACRON, côté français. Le Président béninois à son arrivée au pouvoir en 2016, a reconsidéré et réintroduit ce dossier érigé en priorité malgré le rejet quelques mois plus tôt du régime de François HOLLANDE sous prétexte du fameux principe d’inaliénabilité. Cela suffisait pour ranger cette affaire dont l’issue était incertaine au regard des verrous légaux. Le dirigeant béninois et son croyaient et comptaient sur Dieu, les Mânes de leurs ancêtres et le Vodun. Et la France de MACRON devint réceptive !
Le Président français Emmanuel MACRON élu en 2017 a voulu marquer sa gouvernance par des actes révolutionnaires dans les relations franco-africaines. Dans cette dynamique, en visite au Burkina-Faso, il prononce un discours à Ouagadougou. Il a fait un certain nombre de promesses dont la restitution des biens culturels de certains pays africains. Et c’est le déclic! Il met en place le cadre qui a favorisé à chaque étape, l’aboutissement du processus. C’est au regard de cet engagement, audace et volonté notés chez les deux personnalités qui ont réussi un coup inédit qu’il apparaît tout à fait juste de les féliciter pour avoir marqué l’histoire.
Compil. GA.

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